Fintechs ou dinosaures, une question de survie pour les banques de détail…

On nous annonce depuis des années le bouleversement du monde de la banque de détail par l’évolution des comportements clients, de moins en moins attachés à leur agence bancaire, et de plus en plus demandeurs de réactivité, de flexibilité, d’amplitudes horaires, que seuls les canaux directs peuvent apporter. Même si le tsunami n’a pas encore frappé, les signaux avant-coureurs de la tempête annoncée sont perceptibles depuis quelques années déjà : baisse constatée et chaque année amplifiée de la fréquentation des agences, hausse régulière du nombre de transactions réalisées sur le canal internet, intérêt marqué dans les enquêtes clients pour aller vers des banques 100% en ligne, en particulier chez les plus jeunes.

 

Dans le même temps, les nouveaux entrants affûtent leurs armes, sans toutefois encore attaquer les banques de front à grande échelle. GAFAs, opérateurs telecom, Fintechs, tous partagent la souplesse des acteurs numériques et cherchent à entrer dans le jeu par des créneaux porteurs qui affaiblissent la cuirasse des banques. La maîtrise du paiement est un enjeu majeur pour les GAFAs et les opérateurs télécoms, car outre la nécessité d’apporter à l’internaute des solutions simples, sécurisées et peu coûteuses pour lui permettre de finaliser sa transaction, la connaissance fine des comportements d’achat du client est devenue, avec l’avènement du Big Data, une mine d’informations qu’il convient d’exploiter, voire de monnayer. Et dès lors que l’on a mis le doigt dans l’engrenage, les choses peuvent aller assez vite : du paiement au crédit, il n’y a qu’un pas à franchir… Qui peut vous mener directement vers l’épargne et l’assurance… D’autant que par ailleurs les Fintechs n’hésitent pas à grignoter d’autres compartiments du jeu dans des recoins mal occupés par les banques : les services de crowdfunding pour financer les PME que les banques financent mal, ou les agrégateurs de comptes que les banques à réseau n’avaient jamais imaginé proposer à leurs clients comme une déclaration de guerre qu’on ne se fait pas entre amis, ont vite fait des émules.

 

Dans ce monde de ruptures, les banques doivent désormais se considérer comme des acteurs du digital au même titre que les GAFAs ou les Fintechs. Si toutes les banques à réseau clament haut et fort leur conversion au numérique attestée par l’ouverture de services en ligne – qu’elles acceptent aujourd’hui de ne plus facturer ! les faits montrent qu’il y a encore une barrière d’espèce avec le monde des services instantanés de l’univers digital qui pourrait bien leur être fatale. Le désordre qu’ont connu les back office de beaucoup de banques pour faire face à la montée des demandes de refinancement de crédits immobiliers suite à la baisse des taux ces deux dernières années, avec l’allongement surréaliste des délais de traitement qui s’en est suivi montre l’ampleur du défi. Car le niveau de service minimum de la banque de demain sera fixé par ce qu’offriront les acteurs du numérique. Une banque qui ne s’alignerait pas est simplement condamnée à ne pas renouveler sa clientèle. Imagine-t-on d’ici quelques années un particulier segmenté « affluent » qui peut avoir accès à des conseils spécialisés à la demande à toute heure sur des questions d’optimisation patrimoniale, de placements ou de capacité d’emprunt pour le prix d’un abonnement annuel de Carte Premier choisir une banque qui n’offre pas de tels services ? Imagine-t-on un étudiant en fin d’études à qui sont offerts des services en ligne de gestion de trésorerie personnalisée lui permettant de souscrire un crédit consommation en magasin avant de passer en caisse pour l’achat d’un PC choisir une banque qui ne lui offre pas de tels services ?

Les banques n’ont pas le choix. Elles seront des Fintechs ou ne seront plus. Cela leur demande de revoir radicalement leur offre et leurs modes de fonctionnement : d’abord en matière de service au client, elles doivent offrir les services les plus pointus, les plus étendus, les meilleurs en qualité du marché. Une révolution quand on a vécu avec des clients captifs pendant des décennies, mais c’est à ce prix que l’on conquiert des clients dans un monde digital qui a redonné leur liberté aux consommateurs. Ensuite, elles doivent transformer l’expérience en agence comme un plus et non comme un standard. Les clients de demain seront d’abord des clients des canaux directs, et s’ils viennent en agences, ce n’est plus tant pour y faire des transactions courantes, c’est pour y être conseillés, pour avoir un service que le contact réduit en ligne ou au téléphone ne remplit pas ou mal. Combien d’agences se justifieront dans ces nouveaux modèles et à quoi ressembleront-elles ? C’est aux banques de demain de les inventer. Enfin cela imposera une refonte complète du modèle économique qui devra facturer la valeur ajoutée et non la transaction. Facturer ce que coûte une agence physique, un conseiller clientèle spécialisé, l’accès à des billets de banque, car il ne sera plus possible de faire payer ces coûts par d’autres services, purement transactionnels, que la digitalisation aura rendus quasiment gratuits.

Le risque est donc plus fort que jamais pour des banques à réseau banalisées, rabaissées au rang de simples fournisseurs de commodités, moins agiles et lestées de coûts beaucoup plus élevés que les « pure players » ; elles pourraient bien subir le sort des grands dinosaures qui dominaient notre planète à la fin du Crétacé, disparus faute d’avoir su s’adapter aux bouleversements de leur écosystème…

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